Seule dans la savane

Cet après-midi, comme tous les mercredis, nous sommes allés chercher de l’eau chez les frères carmes de Ndiaffate.

carmes

Les frères sont installés à une petite vingtaine de km de Kaolack, en pleine nature. Leur monastère rose couleur terre se fond dans la nature : cette savane arbustive encore si verte en cette fin d’hivernage.

Louis commence à remplir nos bidons, les moines sont en train de préparer une adoration et sortent le Saint Sacrement. Je n’ose pas rentrer dans la chapelle mais décide de m’associer à leur prière en m’asseyant dehors, sur le parvis de la chapelle, derrière la grande porte.

Au loin les enfants jouent dans les allées du jardin, qui un papillon, qui un vers à dix mille pattes, qui un lézard à observer. Cela leur fait tellement de bien de jouer « sans contraintes », et à moi aussi de les voir courir, sauter et explorer.

Petit à petit la force du Saint Sacrement fait effet derrière la grande porte et la paix entre en mon cœur. Le silence intérieur s’installe pendant qu’autour la nature s’offre. Elle commence à sécher car il n’y a plus de pluie depuis plusieurs semaines, mais les restes d’humidité dans la terre offrent encore aux plantes une couleur verte. Le soleil tape de toute sa puissance, il doit faire un bon 40. Pourtant à l’ombre du monastère et sous un petit vent qu’on est bien!

Nous passons. Nous nous agitons. La nature est.

Immobile et assommée de chaleur au premier regard, la nature se révèle grouillante de vie à qui se donne la peine de l’admirer. En fond sonore, un bruit incessant, envoutant : criquets, roucoulements, battements d’ailes de multiples insectes et un muezzine au loin. Pendant que les frères adorent, l’œuvre  de Dieu est resplendissante.

Les enfants se sont un peu éloignés, la nature m’oublie.

Entendez-vous ces croassements puissants (ou aboiements ?? ou rires de sorcières ???)  ?  2 calaos passent en rase motte à quelques mètres, à fond de train. Ils se poursuivent, jeunes qui jouent ou mâles en compétition ? Ils se posent dans un manguier tout proche et re-décollent en criant de plus belle!

Calao à bec rouge

Ici : une idée du bruit des calao : https://www.youtube.com/watch?v=QnBI7NsPbhg

Pendant ce temps un brave scarabée se donne l’objectif de traverser la piste… rude épreuve au regard de la taille des cailloux par rapport à sa carapace (qui est déjà honnête: il donne dans les 4 bons cm). Puis un calme provisoire revient.

Soudain un avion de chasse me passe au ras de la tête, il ne s’agit finalement que d’une « grosse-mouche »  (entre guillemet car je ne l’ai pas vue, mais vu son bruit elle devait être copieuse…).

C’est ensuite au tour des merles métalliques de s’en donner à cœur joie! Un peu plus gros que nos merles, ils ont en plus une immense queue. Ils sont noirs, mais ont de magnifiques reflets bleu métallique qui luisent au soleil, un régal !

merle métallique

Voici un lien pour écouter leur cris/piaillement :

https://www.youtube.com/watch?v=sUPBrbNvqE8

J’en vois 5 débarquer du toit, vole en formation svp, et foncer sur la piste… ils visaient en réalité un gros varan que je vois filer à toute allure traverser la piste et disparaitre dans les herbes. La troupe de merles métalliques semble avoir raté sa cible, elle se pose dans un arbre, tous sur la même branche. Démarre alors un curieux manège : tels des groupies à un challenge de break-dance, les voilà qui se mettent à piailler en cœur et à faire chacun leur tour leur démo de piqués : un par un, ils plongent de la branche en direction des herbes (là où le varan s’est enfui), semblent toucher le sol du bec et remontent à la verticale rejoindre leur camarades sur la branche. Une vraie bande d’ados en train de jouer, sur fond de cris hystériques : on n’entend plus qu’eux dans la savane !

Derrière la porte je sais qu’Il est exposé, mais nul besoin de Le voir : Sa présence est partout quelle merveille. Tout exulte et chante dans ce jardin.

Puis, j’entend au loin la voix de Louis qui bat le rappel : les bidons sont pleins, on rentre. Fin de l’exploration pour les enfants, fin de ce doux moment pour moi.

A ce moment, je n’avais pas mon portable pour filmer, enregistrer, immortaliser la magie de ce moment… impossible de la réduire à un carré de quelques pixels.

Quand on se déconnecte d’un petit appareil, c’est à toute la création qu’on se re-connecte. Avec la manie de tout filmer on oublie qu’on peut rentrer dans le décor et faire partie d’un si beau spectacle.

Ne me reste finalement que ces quelques lignes pour vous partager cet instant ; mais en mon cœur tout reste gravé, une émotion vécue, une communion avec la création, une prière éternelle.

Amélie

PS : Un merci plus grand que tout aux frères carmes qui nous ouvrent leur porte sans restriction : toutes les semaines, nous allons remplir nos 10 bidons d’eau potable chez eux (soit environ 100 L qui nous permettent de tenir une semaine à 5).

Laisser un commentaire