Petite réflexion sur l’autonomie

Voilà maintenant plusieurs mois que nous sommes installés à Kaolack, et nous avons atteint un niveau d’autonomie que nous qualifions « d’acceptable » : on sait faire nos courses, on arrive à s’alimenter, on a identifié les activités et on a quelques amis. Rien de bien incroyable me direz-vous, pourtant on revient de loin !!!

Hein ? Quoi ? me direz-vous ?

Je vous explique : quand nous sommes arrivés, nous avons été projetés sur une autre planète, sur laquelle nous ne retrouvions aucun de nos repères habituels. Kaolack c’est notre petite « Tatouin ».

La rue d’abord : En septembre les rues étaient emplies de flaques d’eau et de déchets, pas de trottoirs, des voitures, des charrettes, des Jakartas (scooters) partout… Le moindre déplacement (avec ou sans les enfants) nécessitait une vigilance de tous les instants, rendant assez décourageante la moindre sortie, même à quelques mètres du foyer !

Les températures ensuite : Nous avons quand même été assez assommés de chaleur et d’humidité les premiers jours. On l’a très bien vécu, mais maintenant qu’on a perdu une dizaine de degrés et l’humidité, on se rend compte qu’on est nettement plus actifs !

Les vêtements : une vraie question les premiers jours ! Comment s’habiller pour se protéger des moustiques, sans avoir trop chaud ? Quelles chaussures ? On étouffe en basket, mais en sandales on risque de marcher dans les flaques d’eau croupies et de subir les attaques des moutiques…

La gestion du temps : nous arrivions après une année professionnelle bien remplie, un déménagement, des vacances bien chargées… gonflés à bloc pour démarrer LA MISSION, et puis finalement la rentrée n’était que 1mois et demi après notre arrivée. Nous avons expérimenté la patience. Attendre… pour nous c’était perdre du temps, mais finalement ici, on a tout le temps qu’on veut. Nous avons appris à passer de l’impatience énervée à la patience tranquille (enfin en vrai : on apprend encore la patience).

Les modes de communication : Il nous a fallu quelques temps pour comprendre les codes relationnels. Ici, l’on est très souvent interrompu : vous êtes en réunion, si le téléphone de votre interlocuteur sonne, il décroche et discute tranquillement… un brin vexant ? Vous êtes à un comptoir, un autre client arrive, on vous délaisse pour s’occuper de lui… un brin agaçant ? Les premiers jours, oui ! Vexant, agaçant, humiliant. Enervant aussi car on perd du temps ! Mais avec le recul on comprend que :

  • Ici, le temps : on en a. Ce n’est donc pas une valeur précieuse.
  • Ici ce qui prime c’est l’accueil. L’accueil du nouvel arrivant. Au détriment peut-être de l’efficacité, de l’organisation, de notre vision de la justice et de la politesse. Mais l’accueil passe avant tout !

Les courses ensuite : impossible de retrouver des boutiques comme nous les connaissons, nous débarquions dans un marché tout à fait local, qu’il a fallu apprendre à apprivoiser (on en est encore loin !!). Mais les premiers jours : impossible de faire les courses pour nourrir les enfants : où aller et quoi acheter à quel prix ? De toutes manière, nous ne savions pas où trouver une banque pour tirer le moindre sou, donc…

Heureusement, la communauté Claire Amitié avait prévu de nous « prendre en charge » totalement.

Les premiers jours, on s’est vraiment sentis impotents et incapables de gérer seuls notre quotidien. On s’est sentis comme des vieux ou des handicapés dans une maison d’accueil, avec tout plein de gens qui prennent soin de nous. Pour la première fois de nos vies (en tous cas, de nos vies conscientes), nous nous sommes retrouvés dépendants.

Et bien, wahoo, ça fiche un coup.

En situation de dépendance, il ne nous reste qu’à accepter son sort, dans la confiance. A prendre les moments d’activité qu’on nous propose avec bonne humeur et enthousiasme, et à attendre tranquillement le reste du temps. Pas facile, mais bon pour l’humilité !

Conclusion :

On a envie de crier : « même si je suis incapable de rien faire, j’ai le droit d’exister ».

Même au fond de cette dépendance, la vie reste riche !

Amélie et Louis

PS : Un immense merci à la communauté Claire Amitié qui nous a gérés « comme des bébés » à notre arrivée. Et donné les codes vestimentaires, expliqué comment nous déplacer, prévenus des codes sociaux, introduits dans la communauté… Grâce à Brigitte, Rose et Pauline, nous avons pu acquérir notre autonomie locale (encore bien relative)!

PS2 : nous vous laissons transférer notre conclusion à d’autre situations de dépendance, tout à fait d’actualité !

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